Diversité Génétique au Vignoble

Un regard sur la sélection massale et clonale

Diversité Génétique au Vignoble

À la différence d’un écosystème naturel, un vignoble est un écosystème aménagé par la main de l’homme dit agrosystème. Il est complexe avec ses interactions entre le milieu (sol et climat) et ses habitants (vigne, vie du sol, adventices et animaux). La composante majeure d’un écosystème est la biodiversité. L’aménagement des paysages, le travail des sols et la sélection des variétés de raisin a forgé la viticulture que nous connaissons aujourd’hui avec ses spécificités régionales. Le processus de sélection et de domestication de Vitis Vinifera a commencé avec la sélection de plants avec des caractères particuliers. Un grand voyage au cours duquel se sont échangés pépins, boutures, le long de la Méditerranée, de la route de la soie et plus tard, à travers les océans pour arriver sur d’autres continents. Un travail d’acclimatation, l’invention de pratiques culturales, le recours à des croisements spontanés ou calculés, ont parachevés ce processus dans une forme de sélection massale.

La sélection massale, unique méthode avant 1970, consiste à sélectionner des plants d’une même variété, en se basant sur des caractères génétiques visibles : le choix des meilleurs plants, les moins malades, les plus vigoureux ou un avec de nouveaux caractères. Moins courante aujourd’hui, la sélection massale est déconseillée au vigneron (source de contamination et de d’infections si faite artisanalement). Des pépiniéristes la pratiquent, pour bénéficier de matériel végétal sain avec une garantie de qualité. Tout comme une population d’individus diversifiée, elle présente une résilience et une adaptabilité supérieure mais elle rend plus difficile toute standardisation demandée par nos modèles actuels.

La sélection clonale est une méthode de sélection plus fine de plants qui sont évalués au niveau agronomique, sanitaire et œnologique. Le processus de sélection et de test complet dure 15 ans et aboutit à une variété qui constitue un clone. Il peut être reproduit à l’infini. Une parcelle sera alors un champ de clones : un ensemble d’individus au génome identique. Elle a un avantage en termes d’homogénéité au vignoble : les stades phénologiques sont concomitants, la maturité du raisin est homogène et les caractéristiques de la variété sont stables. Cependant, en cas d’évènement extrême, cette homogénéité peut être un défaut. Les plants ayant le même patrimoine génétique auront par exemple la même sensibilité à un ravageur.

Autres ennemis de la biodiversité et perturbateurs des écosystèmes: les espèces invasives. Il s’agit d’une espèce introduite, d’un autre écosystème exotique, connaissant une explosion démographique à son arrivée, du fait de capacités inédites. L’introduction d’espèces invasives et de ravageurs inconnus jusqu’alors, a mis plusieurs fois en péril la viticulture : Oïdium en 1845, Phylloxera en 1863, Mildiou en 1878, Black Rot en 1885. Ils font désormais partie du quotidien des viticulteurs de la plupart des pays de la planète.

La diversité génétique de l’époque n’aura pas aidé la vigne européenne, puisque Vitis Vinifera dans son évolution ne s’était jamais frotté à ces ravageurs exotiques. La solution pour le phylloxéra sera quand même liée à la génétique puisque le greffage sur de la vigne américaine de nos variétés en sauvera la plupart de l’extinction. Les vignes américaines ayant développé des résistances à tous ces pathogènes avec des millénaires de coévolution. Pour les champignons la solution viendra des innovations de la chimie de l’époque.

Dans l’évolution du vivant, la diversité génétique au sein d’une population a toujours été un avantage, à l’image d’une forêt à peuplement mono-spécifique (peuplée d’une seule essence de bois) et qui brule d’une simple allumette en opposition à une forêt diversifiée plus résiliente, qui circonscrit un incendie naturellement.

Par Clément Maes - Oenologue